Comment réarmer ? / Trump-Musk : quels contrepoids ?
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’École alsacienne le 16 mars 2025.Avec cette semaine :Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Jean-Louis Bourlanges, essayiste.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique en ligne Blick.COMMENT RÉARMER ?Après l’intervention télévisée du chef de l’État le 5 mars, la défense nationale est devenue la priorité du gouvernement. Fleurons de l'industrie de l’armement, PME et start-up innovantes, sous-traitants ... Tout un écosystème est mobilisé pour faire face à la menace russe amplifiée et au retrait de l'allié américain. Le ministre des Armées Sébastien Lecornu a évoqué une enveloppe de 100 milliards d'euros par an pour la défense à l'horizon 2030, contre 68 milliards inscrits dans la loi de programmation militaire, soit 1,5 point de PIB supplémentaire évoqué par le président de la République, pour passer de 2% à 3%-3,5% chaque année. Le ministre des Armées a esquissé quelques priorités : « Les munitions et la guerre électronique sont les urgences puis la dronisation et la robotisation des armées. » L’accélération des cadences est déjà visible sur certains segments comme les munitions, l’artillerie et les missiles. Il faut également rester performant dans le domaine de l’intelligence artificielle, et du spatial. Du côté des grands programmes, Sébastien Lecornu entend augmenter le nombre d’avions de combat et de frégates de premier rang.Les revues stratégiques successives qui évaluent régulièrement les menaces pesant sur le pays et prévoient les moyens d’y répondre, n’ont jamais écarté le risque d’un retour de la guerre de haute intensité. C’est pourquoi le modèle d’armée complet français a toujours été préservé au nom de la souveraineté nationale, afin de pouvoir agir sur tous les niveaux de conflictualité, même s’il a souvent été qualifié d’échantillonaire. La France s’inscrit également dans un cadre européen avec de nombreux programmes de coopération comme le système de combat aérien du futur avec l’Allemagne et l’Espagne ; l’hélicoptère du futur avec notamment l’Italie, l’Espagne, et l’Allemagne ou les missiles avec le Royaume-Uni.Interrogés par Ipsos-Ceci pour La Tribune Dimanche, les Français sont 68 % à considérer favorablement une augmentation du budget de la Défense quitte à augmenter encore les déficits pour 66 % d’entre eux et même sacrifier des budgets de l’Éducation ou de la Santé (51 %). La sécurité nationale passant ainsi devant la sécurité sociale. Avant d’en arriver là, le gouvernement veut toutefois explorer d’autres pistes de financement. Le ministre français de l'Économie, Éric Lombard, exclut d'activer la clause de sauvegarde prévue par Bruxelles pour financer les investissements dans la défense par de la dette. Parmi les outils envisagés à Bercy ou à Matignon, figurent notamment le recours au Livret A ou encore un grand emprunt. Vendredi, le président de la République, Emmanuel Macron a reçu les industriels de la défense pour leur fixer une nouvelle feuille de route visant à accélérer les cadences de livraison d’équipements. Face aux difficultés budgétaires et industrielles, Bercy doit organiser le 20 mars prochain une réunion rassemblant les banques et les assurances, mais aussi des acteurs de l'industrie de la défense.TRUMP-MUSK : QUELS CONTREPOIDS ?Les décisions et les méthodes de Donald Trump depuis son retour à la Maison Blanche, le 20 janvier, soulèvent des interrogations quant aux limites du pouvoir présidentiel aux États-Unis. Le système politique américain repose sur le principe des checks and balances, visant à ce que « le pouvoir arrête le pouvoir », comme l’avait théorisé Montesquieu au XVIIIème siècle. Chacune des trois branches du gouvernement – exécutif, législatif, judiciaire - dispose de moyens de contrôle sur les autres (checks) pour viser un certain équilibre (balance). Les Républicains contrôlent la présidence, la Chambre des représentants et le Sénat. Même si leur majorité à la Chambre est très étroite, la passivité des sénateurs conservateurs face aux nominations les plus controversées de Trump n’augure pas d’un rôle de frein à la présidence de la part du Congrès. Bien que les Républicains n'aient pas capturé l'ensemble du pouvoir judiciaire, ils disposent d'une nette majorité à la Cour suprême.Depuis deux mois, les recours en justice se multiplient dans les États fédérés à majorité Démocrate qui cherchent à mettre en place des contentieux stratégiques sur quasiment toutes les mesures : suspension des traitements médicaux pour les personnes transgenres, autorisations pour Elon Musk d’accéder aux informations du fisc et de la Sécurité sociale, licenciements massifs de fonctionnaires publics ou intimidations à leur encontre, suppression du droit du sol pour les personnes nées de parents irrégulièrement ou temporairement immigrés, élimination de plusieurs autorités administratives …Même les Églises se tournent vers la justice pour protéger les lieux de culte du décret y autorisant les raids de la police de l’immigration. Mais une bonne partie des dossiers risquent soit d’être enterrés, soit portés devant une Cour Suprême qui a proclamé, avant l’élection de 2024, que Donald Trump, poursuivi dans de multiples affaires, bénéficiait d’une présomption d’immunité en raison du principe de séparation des pouvoirs. Et, le vice-président, J.D. Vance, diplômé de la faculté de droit Yale, a déclaré que « les juges n’ont pas le droit de contrôler le pouvoir légitime de l’exécutif. » En outre, si l’administration Trump décidait de désobéir à une décision des juges, la Cour ne dispose pas de moyens de coercition.Face à une opposition étonnamment passive et encore sonnée, les contrepouvoirs paraissent bien faibles. Sauf un, que Montesquieu ne connaissait pas : Wall Street. Les entreprises américaines, surtout les grandes entreprises cotées en Bourse, dépendantes du marché mondial et de la chaîne de valeur globale paraissent être les seules à pouvoir refreiner les ardeurs autocratiques du clan au pouvoir à la Maison Blanche. Wall Street, qui avait soutenu l’élection de Donald Trump, semble déjà déchanter.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.frDistribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.