Cybèle, déesse-mère du monde sauvage
Moi, quand on me dit “déesse-mère”, je pense à des déesses puissantes et maternelles, les Isis, les Ishtar et les Vénus, aux forces primordiales et aux corps nus tout en rondeurs de statuettes anciennes dans des vitrines de musées. Rien de très précis, vous me direz.Alors, pour cet épisode, nous évoquons une déesse-mère particulière : Cybèle, aussi appelée Magna Mater ou Grande Déesse par les Romains. Déesse qui ne peut être rattachée à une seule nation moderne, puisqu’elle est apparue en Phrygie, en actuelle Turquie, puis a été vénérée en Grèce, puis à Rome, avant de se diffuser, par l’Empire romain, à travers l’Europe, comme en France et en Allemagne.Cybèle est une déesse fascinante par ce trajet géographique, mais surtout par la sauvagerie qu’elle porte et qu’elle incarne. Sauvage parce que ayant grandi dans la montagne, avec les lions qu’elle apprivoise et protège. Sauvage, aux yeux des Romains, car importée par eux de la Phrygie, de l’Orient lointain. Sauvage, enfin, par la violence qui caractérise son mythe et son culte, marqué par les émasculations de prêtres et de taureaux.En bref, nous sommes bien loin de la douceur maternelle et de la nudité ronde suggérée spontanément par l’idée de "déesse-mère". Pour discuter de Cybèle, j’ai invité Audrey Ferlut. Audrey est historienne et épigraphiste, spécialiste des religions et des déesses gallo-romaines. Sa thèse de doctorat, soutenue à l’Université de Lyon, s’intitule “le culte des divinités féminines en Gaule Belgique et dans les Germanies sous le Haut-Empire romain”. Chercheuse associée au Laboratoire Histoire et sources des mondes antiques (HISOMA), elle a publié plusieurs articles et ouvrages sur les déesses dans les provinces romaines. Chevalière de l’Ordre des Palmes Académiques, elle participe à des projets de recherches internationaux en France, en Allemagne et en Autriche. Ensemble, nous avons parlé de Cybèle. Nous avons parlé de la Sibylle romaine et de la Pythie grecque, de guerre et de météorites ; nous avons parlé de fêtes, de gladiateurs, d’animaux, de castration de prêtres, de sacrifices de taureaux et de mystères encore non révélés. Surtout, nous avons parlé de sauvagerie et de violence chez une déesse, et de comment une déesse sauvage et sanglante a pu devenir la très institutionnalisée protectrice de l’Empire romain.Pour tout ça, et plus encore, je vous invite à rejoindre ma conversation avec Audrey au sujet de Cybèle.TW : Autocastration, automutilationTextes cités :Arthur Rimbaud, “Soleil et chair”, 1870, dans Reliquaire, poésies, L. Genonceaux, 1891Diodore de Sicile, “Bibliothèque historique”, III, 53-59, traduction de Ferdinand Hoefer, 1851Ovide, “Les fastes”, IV, traduction de M. Nisard, 1857Antisèche :Magna Mater = autre nom de CybèlePhrygie = région d'origine de Cybèle (actuelle Turquie)Attis = amant de CybèleGalle = prêtre de CybèleArchi-galle = super-prêtre de CybèleCollège de dendrophores = groupe de porteurs d'arbres pour AttisMystes = initiés aux mystères de Cybèle Chapitres : 2:50-11:04 : Mythe, attributs, nature, Attis11:04-22:14 : Guerre punique, arrivée à Rome22:14-27:11 : Intégration, Troie, fêtes, jeux27:11-31:15 : Violence, prêtres, castration31:15-36:09 : Empereurs, Magna Mater36:09-46:12 : Magie noire, sacrifices, prières46:12-55:31 : Diffusion, chrétienté, rechercheBibliographie Audrey Ferlut, Les divinités féminines en Gaule Belgique et dans les Germanies sous le Haut-Empire romain, 2022, éditions Ausonius Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.